C0EUR DE MASAÏ
Les origines du Havanais
Les différents bichons
La famille des bichons comprend le bichon frisé (le plus connu en France ), le bichon maltais (au long manteau blanc soyeux), le havanais (au manteau un peu plus court, au corps légèrement plus long que haut, qui se décline dans toutes les couleurs possibles ), le rare bolonais (au long manteau neigeux lègèrement ondulé) et le petit chien lion (quasiment ignoré sur le territoire français il y a peu, alors qu'il est extrèment apprécié à l'étranger, cette race renaît lentement en France sous l'impulsion de quelques passinnés.)
Ces petits chiens à poils longs sont très anciens. Leur origine est antérieure au christianisme, répandu sur le pourtour du bassin méditérannéen....Aristote , entre autres, mentionne à plusieurs reprises les petits chiens blancs de Malte....Plusieurs auteurs anciens les mentionnent comme étant originaires de Sicile. On en connaît des représentations datant 5 siècles avant JC sur des vases grecs, mais aussi une statue de bichon de type maltais trouvée près du Caire, en Egypte. Elevés pendant des siècles exclusivement comme chiens de compagnie, ces bichons se répandent dans les familles fortunées de pays parfois très éloignés. Des différences apparaissent alors progressivement, dues aux climats et aux croisements avec les races locales, créant lentement les diverses races que nous connaissons actuellement. Pour la plupart, elles se sont développées autour de zones portuaires, traduisant l'engouement pour ce chien de format réduit, réservé à la compagnie, et qui voyageait facilement.
L'origine du havanais
Elle reste controversée. Son évolution et son développement sont basés sur un ensemble de théories parfois contradictoires. Toutefois, un certain nombre d'éléments peuvent être facilement reconstitué . La colonisation de l'île commence avec le 16ème siècle, après sa découverte par Christophe Colomb. Fermiers de Ténérife et fils d'aristocrates espagnols partent coloniser cette île, avec famille et animaux familiers ... Les petits bichons Ténériffe, sont du voyage....On en trouve mention dans les journaux de bord de l'époque, ces petits chiens servant également à chasser les souris pour protéger les réserves de grains destinés à la culture des terres colonisées. Une fois sur l'ile, et à la faveur de l'isolement imposé par l'Espagne à ses colonies, ils se développent sans guère d'apport extérieur, s'adaptant au climat tropical . Le poil se modifie, devient soyeux, doux , mais surtout léger : il lui sert à l'isoler de la morsure du soleil tropical. L'habitude de raser en lion, ou de natter les poils du crâne pour dégager les yeux est donc totalement abandonnée à Cuba. Le havanais y gagne un aspect plus rustique, mieux adapté au pays. ... Les plus petites tailles sont privilégiées, entraînant progressivement l'émergence d'une race de très petite taille très reconnaissable ; On les nomment les "blanquitos", les petits chiens de soie de Cuba....Cuba prospère, et s'ouvre progressivement au commerce, malgré les réticences espagnoles. Au 18ème siècle, l'ile est alors considérée comme le centre culturel du nouveau monde. Aller à la Havane devient une destination à la mode, un lieu de villégiature de luxe, avec casinos, théâtres et palaces. Les petits chiens blancs soyeux font l'admiration des voyageurs qui en ramènent à la cour d'Espagne, mais aussi de France et d'Angleterre. Ils y sont tondus et enrubannés comme on le fait pour les barbets (caniches) mais adaptés au climat tropical de Cuba, ils perdent la luminosité et le soyeux de leur pelage ...Leur succès offre un commerce lucratif aux marchand de chiens de l'époque (déjà !) : Croisés, ils s'abâtardissent, et ne laissent pas de descendance. A Cuba, en revanche, une nouvelle vague d'émigrants aristocrates français arrive avec leurs propres chiens de compagnie, principalement de petits barbets (caniches), qui vont à nouveau faire évoluer le bichon à Cuba....Les marchands faisant les va et vient entre l'ile et le vieux continent transportent dans leurs cale de petits chiens de couleur variées , les protégeant des souris pendant le voyage, et faisant des cadeaux faciles et fort prisés sur l'île par les familles de leur correspondants. Ce lent brassage ethnique fait disparaître le "blanquitos" au profit d'une race distincte, plus allongée morphologiquement, et aux couleurs variées, spécifique à Cuba : le bichon de la Havane, ou bichon Havanais. Il est connu et apprécié en Angleterre, qui entretient des relations commerciales florissante avec l'ile. La reine Victoria en a deux. Charles Dickens appelle le sien Tim. Dans les expositions canines qui s'organisent en Angleterre, les havanais sont connus et présentés comme race cubaine.
LE HAVANAIS AUX ETATS UNIS
Mais à Cuba, les temps changent. Le petit bichon est devenu le chien favori de la bourgeoisie, compagnon de jeux des enfants, mais aussi gardien de la maison....A la révolution, en 1959, les propriétaires fuient l'ile par milliers, emportant rarement leurs animaux car plupart pensaient retourner après quelque mois. Les animaux familiers sont donc le plus souvent confiés à un serviteur de confiance. Ils partagent donc le sort funeste de ceux-ci, lors des terribles exactions qui ensanglantent les débuts du régime. Pour les observateurs étrangers, le bichon havanais , considéré comme un symbole des nantis, disparait alors officiellement sur l'ile. Sa survie est assurée, mais cachée, d'une part comme signe honteux de l'ancien régime, d'autre part parce que, considéré comme un porte bonheur, il doit être préservé du "mauvais oeil".
Ce sont donc seulement 11 bichons havanais qui vont être sauvés par les émigrants, qui les préservent jalousement, les reproduisent avec le plus grand soin, comme un vestige vivant de ce qui fut leur patrie aujourd'hui disparue....Ces 11 survivants vont devenir les ancêtres de la quasi totalité des havanais actuels dans le monde, à l'exception de ceux restés isolés à Cuba, ou derrière le rideau de fer. Cette consanguinité importante explique que le type soit resté quasiment inchangé depuis le 19ème siècle. Au début des années 70, Bert et Dorothy Goodale (Colorado, USA) cherchent une petite race qui possèderait intelligence et tempérament calme. Ils ont entendu parler du bichon havanais, mais personne ne sait où ou comment les obtenir. Des annonces dans les journaux leur permet de trouver 6 havanais dont les propriétaires ont soigneusement conservé la généalogie. Ils en trouvent 5 autres plus tard, chez un vieux cubain à Miami. Les Goodale commencent alors un programme d'élevage pour éviter l'extinction de cette race. Dès 1990, l'AKC (le kennel club américain) reconnait le bichon havanais. Une commission sélectionne une vingtaine de chiens en se basant sur le standard de la FCI édité en 1963. Ceux-ci sont enregistré à titre initial.....Le succès est foudroyant....Il y a aujourd'hui quelque 3.000 bichons havanais recensés officiellement aux Etats-Unis. Le caractère tout en tendresse malicieuse , le manteau multicolore, il séduit le monde cynophile et se propage rapidement dans les pays nordiques... puis entame son expansion sur l'Europe...
LE HAVANAIS EN EUROPE
Rapidement, des havanais quittent les Etats Unis pour partir conquérir l'Europe... En 1982, quatre arrivent en Allemagne, puis trois autres en Suisse. En 84, un havanais arrive également en Hollande. Ce sont ces imports américains qui jettent les bases des lignées d'Europe de lOuest. Avec la chute du mur de Berlin, puis les changements de régime dans les pays du bloc de l'Est, on voit apparaître des havanais qui descendraient de lignées originaires de Russie, et qui aurait été isolées par les aléas de la politique....Bien des doutes subsistent aujourd'hui quand à leur réelle ascendance et pureté . Seule une étude génétique poussée pourra répondre un jour à ces questions. A partir de 97, des importations vont commencer également de Cuba, pour régénérer les lignées américaines. Actuellement, le Havanais est présent pratiquement dans toute lEurope. Il reste cependant un chien encore peu connu, rare, dont le nombre annuel des naissances reste très limité.
RESURRECTION DU HAVANAIS A CUBA
Bien que tout le monde pense que le havanais a disparu de Cuba, certains chiens ont là aussi été sauvés .....Peu exigeants, ils vivent rationnés, comme leurs familles,en raison des restrictions alimentaires. La viande est trop rare pour être gaspillée pour un chien ! Mais leurs propriétaires sont prêts à bien des sacrifices pour leurs merveilleux compagnons, même si cela limite terriblement leur reproduction... Il y a donc en fait beaucoup de bichons havanais à Cuba, bien que la plupart des gens ignorent qu'il s'agit d'une race. Ces petits chiens sont très populaires sur l'île. Et les restrictions limitant les naissances anarchiques, seuls ceux présentant les qualités prisées par leurs famille vont reproduire.... ce qui assure à la race de rester suffisemment homogène. En 1987, Cuba se dote à son tour d'un Kennel Club....De nombreuses races étrangères sont représentées... Personne ne semble se souvenir du petit havanais, unique race locale, ainsi nommé d'après la ville de La Havane [et non d'après la couleur havane (marron soutenu) qui est très rare a Cuba] !
Pourtant, dès 1991, quelques cubains se réunissent pour s'entraider dans le sauvetage de cette race symbolique de Cuba. Ils fondent le Club du bichon havanais et, sous l'impulsion de Zoïla Portuendo, leur présidente, rassemble une quinzaine de chiens pour démarrer un programme de sélection commun, sous l'affixe générique de "la Giraldilla", du nom de la statue qui salue le voyageur à son entrée dans le port de la Havane. Maisons, alimentation, chiens, tout est mis en commun pour assurer les meilleures chance à la race. Pour pouvoir élever, plusieurs d'entre eux deviennent même complètement végétariens, afin de réserver tout leur rationnement de viande pour les chiots et les femelles gestantes. Les autres sont nourris principalement aux galettes de maïs. Les protéines doivent être gagnées en attrapant occasionellement des souris....Les propriétaires parcourent la campagne à pied ou en bicyclette à la recherche de carcasses de poulets... C'est de cette difficulté que surgit cette volonté de réussir ensemble, qui anime ces pionniers de la première heure. Zoila Portuondo Guerra, née en 1952 à La Havane ,est licenciée en histoire de l'art a l'université de La Havane. Elle a fait beaucoup de recherches sur le Havanais. Elle pense que la théorie de la F.C.I comme quoi le havanais proviendrait du bassin méditerranéen est simpliste. Le havanais est une race née et développée à Cuba, à partir de souches en provenance de la méditérannée, comme toutes les races bichon existant encore actuellement, certes, mais que seule Cuba a su créer la race du havanais dans toute son originalité . Le nom de ces chiens fondateurs apparaît dans les pedigrees de tous les chiens exportés de Cuba ces dernières années. En octobre 1996, 20 chiens ont été exposés à la première exposition internationale organisée à Cuba , affiliée à la FCI (Fédération Cynologique Internationale). Depuis, leur nombre ne cesse de croître, en dépit des difficultés d'élevage inhérentes aux conditions de vie sur l'ile...
"Puppy", est le premier champion de Cuba. Un timbre est édité à sa gloire.. L'année suivante, en novembre 97, une vingtaine de chiens sont à nouveau présentés, y compris des chiens européens. Le premier havanais est exporté de Cuba vers la Hollande....Compte tenu des superstitions locales, ces petits chiens sont jalousement préservés par leur propriétaires qui craignent souvent le "mauvais oeil" et ne les sortent pas de la maison.....Les premiers français à participer aux championnats de Cuba n'en verront pas dans les rues......et reviendront persuadés qu"il n'y a plus de havanais à Cuba, seulement quelques bâtards dans les rues !!!!" Sans doute étaient ils trop occupés par leurs chiens pour voir évoluer dans leur ring les plus beaux fleurons de Cuba. En 2009, le championnat PanAmerican (rassemblant tous les pays d'Amérique latine et d'Amérique du Nord !) aura lieu à Cuba et les éleveurs cubains sont très motivés pour faire reconnaître enfin les immenses qualités de leurs chiens amoureusement sauvés de l'extinction et désormais présents aux quatre coins du monde. Les plus beaux chiens sont régulièrement entraînés en vue de cet évènement, et beaucoup d'entre eux attendus pour intégrer les élevages américains à cette occasion...
DE CUBA EN FRANCE
Pourtant, en avril 2002 , quand je participe au championnat de Cuba avec mes schnauzers, le Club a déjà enregistré près de 500 naissances depuis le début du programme d'élevage.....Un premier mâle a été exporté en 97 en Hollande, puis deux chiens en 2001 en Belgique.....Championnat de Cuba 2002 : Quelques magnifiques chiens trottinent sur le sol desséché du stade, sous l'oeil attentif de passionnés venus de toute l'ile, souvent dans des conditions difficiles, pour assister à cette compétition....Au rares étrangers qui prennent le temps de s'arréter, d'observer, il est évident qu'il ne s'agit pas là de quelques cas isolés, encore moins de "batard"....... Il suffit de parler, et les coeurs s'ouvrent....Les éleveurs sont plus nombreux à présent, mais toujours aussi passionnés, motivés. Ils sont fiers de leurs chiens, du travail accompli, de ces compétences et volontés mis en commun qui ont permis cette résurection....La base génétique est plus large que l'éventail américain, il existe un réservoire encore intact à exploiter dans de nombreux coins de l'ile....La race est sauvée, sans aucun apport de sang extérieur, et ce précieux patrimoine génétique prêt à être exporté pour raviver les lignées américaines et européennes. C'est dans ce contexte que je tombe sous le charme de ce petit chien si attachant, et prend la décision d'importer Bayamesa, née chez l'actuelle présidente, sous l'affixe Oye Chico. Dans les mois qui suivent, plusieurs éleveurs français font de même. Début 2004, environ sept cubains vivent sur le sol français, dont deux femelles chez moi. Le havanais, quoique encore fort rare, fait lentement sa place dans le monde du bichon français. Gageons que ses qualités particulière lui assureront un succès grandissant, et qu'il retrouvera, ici aussi , la renommée qui fut la sienne à travers le monde depuis le dix huitième siècle.
Marianne Septier - Mai 2004